Travailler peut-il nous rendre heureux ?

Depuis plusieurs mois, voire années, je m'interroge sur la notion de travail et notamment sur les rapports au travail de MA génération (j'ai 27 ans) (génération Y toussa toussa).

Je lis beaucoup de choses sur la génération Y, sur l'aliénation du travail, sur le revenu de base.

"Une enquête belge révèle qu’une part inquiétante des jeunes adultes (18/30 ans) nage dans la plus parfaite confusion quant à leur avenir, leur choix de vie et leur vision de la société. Beaucoup d’entre eux souffrent du paradoxe que leur « offre » la société, entre la promesse de vivre libre et heureux, et une réalité bien plus terne."
Extrait de cet article

J'ai bossé tous les étés depuis. 

Quand je suis partie de chez mes parents il y a 4 ans, j'ai travaillé à côté de mes études.
J'ai eu environ 11 jobs différents en 8 ans et j'ai effectué 8 stages dans des structures différentes.

Voilà pour mon parcours. J'en suis assez fière je dois dire. Je me suis toujours débrouillée pour avoir ce que je voulais. Quand je devais trouver un job ou un stage j'envoyais toujours 50 cv pour être certaine de trouver quelque chose. Je voulais pouvoir me payer des choses par moi-même. J'ai cette valeur "travail" ancrée en moi. Si je voulais me payer des vacances, un ordinateur portable ou je ne sais quoi d'autres, j'ai toujours considéré qu'il m'appartenait de me bouger pour pouvoir me le payer. Je ne crache pas sur les gens dont les parents financent les études, le loyer, les sorties pendant plusieurs années. C'est une sacrée chance et ces étudiants ont raison d'en profiter. Ce qui est dommage c'est que certains oublient parfois la chance qu'ils ont et qu'elle n'est pas donnée à tout le monde. Mais c'est un autre débat.




Je n'ai jamais regretté d'avoir travaillé. Au-delà de l'aspect financier, ça m'a permis de gagner en confiance en moi, d'apprendre à gérer mon argent, de savoir ce que je ne voulais pas. Au travers de mes jobs, de mes stages, j'ai découvert des mondes, des gens, très différents, ça m'a permis de mieux me comprendre et de savoir ce que je voulais - et surtout ce que je ne voulais pas. 
J'ai bien conscience d'être jeune, blanche, souriante et diplômée, ça aide pour trouver un travail, quel qu'il soit.

Vous l'aurez compris, j'ai grandi avec la valeur "travail", pour moi quand on veut quelque chose on se donne les moyens d'y arriver, on travaille
Il est impensable pour moi de rester dans mon canapé à glander (pour faire dans le cliché). Je ne cracherais jamais contre les gens qui touchent des aides sociales, elles sont là, c'est un fait elles existent et comme j'ai déjà eu maintes fois à le répéter j'en veux plus aux ultra-riches qui ont leur compte en banque au Panama pour échapper aux impôts qu'aux 2000 fraudeurs de la CAF. Je ne considère pas que le RSA (ou autres aides) soient scandaleuses, j'estime que chacun peut y avoir recours dans sa vie. Elles permettent de survivre, de faire face à une période difficile, de rebondir, de s'émanciper. Bref, j'ai grandi avec la valeur "travail" mais je ne cracherais jamais sur les gens qui pour une raison X ou Y se retrouvent contraints de vivre des aides sociales. 

"Les plus jeunes auront, je l’espère plus de soutien, de structures et d’outils pour tracer leur voie. Surtout, moins de pression à ne pas la trouver."



Depuis deux ans, je suis engagée dans un processus, qui, à terme, si tout se passe bien, devrait me conduire à devenir avocat.

Je vais - a priori - être amenée à exercer dans un domaine qui me plaît.

J'ai dû effectuer plusieurs stages notamment dans deux lieux très différents. J'ai passé 6 mois dans une administration française avec ses défauts et ses qualités. Puis j'ai passé 6 mois en cabinet d'avocat.
Etre avocat n'a jamais été une vocation. Je pense que j'aurais pu faire 12 000 autres choses qui m'intéressaient. J'ai envie d'être avocat, j'ai envie d'exercer, je trouve que c'est un beau métier. Il est varié, prenant, aucun jour ne ressemble à un autre. Mais je m'interroge. Le métier d'avocat suppose beaucoup de stress, de pression, on ne compte pas ses heures, la rémunération n'est pas phénoménale, tu as droit à quelques semaines de vacances par an pendant lesquelles tu ne décroches même pas vraiment... Dans mon stage, je me suis énormément investie car il y avait la possibilité d'une collaboration par la suite. J'ai fini tard, j'ai beaucoup travaillé pour me former. Tout cela est bien normal me direz-vous, mais parfois je me dis : à quoi bon ?
J'aide des gens par le biais de mon métier et je suis fière de cela mais parfois j'ai énormément de mal avec l'idée de finir tard, de ne pas avoir LE TEMPS. Je suis une fille curieuse, qui s'intéresse à beaucoup de choses, j'aime lire, regarder des séries, des films, me promener, faire du sport, passer du temps avec mon copain, voyager, voir mes amis, boire des bières... Le métier d'avocat ne me laissera jamais assez de temps libre pour faire tout ça. Du moins pas comme je le voudrais.

Mais au-delà du métier d'avocat, aucun métier ne te laisse la liberté de faire tout ça à longueur de journée. Un ami m'a dit il y a peu qu'il avait choisi un métier qui lui rapporterait suffisamment d'argent pour faire des trucs sympas à côté et qui lui laisserait le temps de faire ces trucs sympas justement. 
Depuis je me demande si au final ce n'est pas lui qui a "raison". Certains vont me répondre qu'il vaut mieux aimer son métier. Parce que vous, vous aimez votre métier tout le temps ? Vous avez la sensation d'être pleinement heureux et épanoui au travail tout le temps ? Le dimanche soir vous vous dites "chouette je retourne au travail demain !" ? Je pense que même si vous surkiffez votre métier, il restera toujours une contrainte. Dans un article que je lisais il y a peu, la personne disait qu'au final le travail c'était beaucoup de contraintes pour quelques minutes, quelques heures de kiff de temps en temps. Et c'est ça. La plupart du temps c'est gonflant mais de temps en temps il y a quelques minutes de bonheur. Et c'est ça que notre génération n'arrive pas à gérer. On nous a survendu l'épanouissement par le travail. Les générations précédentes trouvaient un travail, c'était obligatoire, c'était comme ça. Ça permettait de gagner de l'argent et de fonder une famille.

Nous on aspire à être HEUREUX au travail, à être épanoui. Dans ce contexte aucun travail n'est réellement satisfaisant. Je pense que je ne trouverais jamais de travail qui me rende 100% heureuse, tout simplement parce qu'il n'y a pas que ça qui peut me rendre heureuse. Allons plus loin, ce n'est peut-être même pas ça qui me rendra heureuse.



L'épanouissement dans mon monde d'ado plutôt aisé c'était de faire de longues études, d'avoir un travail avec des responsabilités, d'être cadre, voire cadre supérieur. Je n'ai jamais songé à avoir moins qu'un bac + 5. Aujourd'hui une grande partie de mes amis ont bac + 5 ou plus. Est ce que ça nous rend heureux pour autant ? J'en suis de moins en moins convaincue. La plupart de mes amis qui ont bac +5 et un travail ne s'épanouissent pas dans leur travail, du moins pas autant qu'ils l'espéraient. Certains se cherchent, certains ont tout abandonné, certains font complètement autre chose. J'ai l'impression que peu importe les études qu'on a fait, le nombre d'années, personne n'arrive à trouver une réelle satisfaction dans ce qu'il fait. Quelle désillusion...

De nombreux jeunes de ma génération ouvrent leur propre entreprise, des boutiques, des librairies, des salons de thé / bar à couture / à chats / mignons / pour faire des brunch / BD / vegan, des bars avec des comptoirs en Lego / pour aider des artistes locaux... Il y a tout plein de bonnes idées et la plupart de ces lieux sont souvent très chouettes. Ils sont pour moi le symbole de notre génération, qui ne trouve sa place nulle part, alors qui tente de se créer son monde à soi, de se créer son propre travail.

Dans l'idéal on souhaiterait tous un job qui nous passionne tout le temps, qu'on est content de retrouver le lundi matin, qui nous rapporte pas mal de fric, et qui nous laisse DU TEMPS pour voyager, pour faire notre propre potager, pour boire de la bière en terrasse avec nos potes, pour lire des bouquins et glander devant des séries. Ce job n'existe pas. Alors nous sommes contraints de choisir entre ces trois composantes : le temps, l'argent, un travail qu'on aime.

"Pourquoi tant de gens se lancent-ils dans l’entrepreneuriat aujourd’hui ? Pourquoi tant de succès pour les blogs sur les modes de vie alternatifs, devenir freelance, monter son business, la semaine de quatre heures, le nomadisme digital et j’en passe? Parce que les Y arrivent à 30 ans en se rendant compte qu’ils ont été formé pour le salariat, mais qu’en fait c’est épuisant, et pas toujours gratifiant. Qu’il va falloir inventer d’autres modèles. Que ce qu’ont connu leurs parents (40 ans de boîte, ou alors le chômage à 50 ans) ne leur correspondra jamais. Que de toutes façons l’économie actuelle n’est plus en mesure d’offrir ce genre de parcours. En fait, à 30 ans, on a déjà un peu étudié, un peu voyagé, beaucoup bossé. Et on voit l’immensité des quatre décennies à venir s’étaler devant soi, sans avoir la moindre idée de comment habiter ce désert que les générations d’avant n’ont pas aménagé pour nous."
Pour en revenir à mon cas, j'ai toujours dit que je voulais un job qui me plaît, que je ne supporterais pas de me lever le matin pour un job que je n'aime pas. C'est toujours le cas, mais parfois je m'interroge vraiment. Pendant mes 6 mois de stage dans cette administration, le contenu de mon travail ne me plaisait pas mais j'étais dehors tous les soirs à 17h30 et je m'entendais très bien avec mes collègues. Je suis de plus en plus en train de me dire que le temps en dehors du travail est précieux. Je ne vais pas tout jeter avant même d'exercer. Etre avocat c'est différent d'être avocat stagiaire. Si je suis avocate, je n'aurais pas les mêmes responsabilités, le stress sera différent, je sais que je vais en chier, mais j'aurais aussi tous les côtés plutôt chouettes du métier que l'on n'a pas quand on est seulement stagiaire. On verra si ces côtés seront suffisants pour que je continue plusieurs années. 

Je reste de toutes façons persuadée que les gens de ma génération auront plusieurs métiers. Nous avons tous des possibilités infinies et des envies différentes, on ne fera pas la même chose toute notre vie. 

En attendant, je continue de m'interroger sur la notion de travail.



"Il a toujours été clair pour moi que le travail serait, avant tout, un truc qui empiéterait sur mon temps », m'a-t-il indiqué. « Ce même temps que j'étais libre de consacrer à la lecture de dizaines de milliers de livres que je n'aurais jamais le temps de lire, à l'écoute de disques que je n'entendrais jamais, et au visionnage de films qui resteraient pour toujours d'obscurs .mp4 jamais ouverts. » Lorsque je lui ai demandé comment il avait envisagé son futur job en étant aussi pessimiste, Sébastien m'a répondu : « Mes ambitions se sont toujours bornées à tenter de limiter la casse ; m'assurer un job pas trop pénible, et dont je n'aurais pas trop honte. "
Extrait de cet article

Evidemment je suis très intéressée par le revenu de base. Je connais mal son fonctionnement donc je ne vais pas commencer à vous expliquer ça ici. D'autres sites font ça bien mieux que moi.

Le revenu de base suppose de revoir tout notre rapport au travail. On ne travaille plus pour survivre, on travaille pour le "bien de la société". Ca suppose de sortir complètement de la valeur marchande du travail et je trouve ça très intéressant et bien pensé. Je sais que d'autres pays l'ont mis en place et le testent, en Inde, en Finlande et aux Pays-Bas notamment.

Je me suis interrogée sur ce que je ferais si j'avais mettons 800 euros de revenus de base par mois de manière certaine. Où est ce que j'en serais aujourd'hui ? Est ce que j'aurais fait l'école des avocats ?
Honnêtement je n'en sais rien. Mes choix professionnels n'ont jamais été spécialement guidés par l'argent. Je m'apprête à exercer dans un domaine du droit qui clairement ne fera pas de moi une millionnaire. Peut-être que j'aurais exactement eu le même parcours mais il aurait été plus serein. Ou peut-être que je me serais autorisée à faire des études qui selon les statistiques ne "mènent à rien" comme en sociologie ou en histoire. Ce qui est certain c'est que ça m'aurait donné une sécurité que je n'ai pas toujours eu pendant mes années d'études. Le revenu de base te permet d'avoir une soupape de sécurité, il te laisse la possibilité d'envisager plus de choses.

Ne pas être dépendant de son travail pour survivre, c'est plutôt une chouette idée.


Commentaires

  1. Merci pour cet article. Je me reconnaîs complètement dans tes interrogations. On est sensé avoir envie de travailler, on est sensé s'épanouir, mais on est sensé trouvé que le travail c'est dur, parce que bon on ne nous paierait pas pour le faire sinon (ou ce serait un loisir). C'est vrai que même en trouvant sa passion, il y aura toujours des jours moins sympas que d'autres dans le travail. Et puis en dehors de l'aspect financier, il apporte sociabilisation, reconnaissance...
    Et puis j'ai vu moi aussi ces articles sur le revenu de base et tout... je ne sais pas trop comment appliquer tout cela, mais je me dis qu'il doit effectivement y avoir d'autres possibilités que celles que j'ai toujours trouvées "normales".
    Je te conseille les articles Kaizen sur le sujet d'ailleurs (et tout ce qu'il font en général d'ailleurs) : http://www.kaizen-magazine.com/quel-avenir-pour-le-travail/

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour le partage de cet article, vraiment intéressant !

      Supprimer
  2. Je me retrouve beaucoup dans ton article. J'ai un bac+5, je suis juriste dans l'administration et j'ai aussi le CAPA. Passionnée par le sport et la cuisine, j'ai envie de tout plaquer parfois et de faire autre chose qu'un travail intellectuel.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense que malheureusement (ou heureusement selon le point de vue) on est assez nombreux à se poser des questions sur tout ça !

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés