Non mais Moi / mon copain Jean Claude / mon oncle Alphonse, on n'est pas comme ça !


En voilà une phrase que j'entends souvent quand j'essaie de parler féminisme avec un homme. 

Très vite l'homme en question se sent attaqué personnellement, remis en cause dans ses valeurs, dans son comportement, dans sa virilité. 

Alors qu'en fait, désolée de te le dire "homme", mais la plupart des choses que je dis concernant le féminisme ne te concerne pas toi, ni même ton copain Jean-Claude ou ton oncle Alphonse. Le féminisme c'est la lutte contre le sexisme et pour l'égalité femmes / hommes, ça concerne la société toute entière. Tu admettras que c'est peut-être un chouilla plus vaste que ta petite personne. 

Illustration tirée de la BD Libres ! de Diglee et d'Ovidie

Tous les hommes sont des violeurs !


Quand on dit par exemple que les hommes sont des potentiels violeurs, il ne s'agit pas de dire que toi tu es un violeur. Il s'agit de dire que ce sont en grande majorité des hommes qui violent. Il s'agit de dire que l'éducation genrée (qu'on a tous plus ou mois reçue) fait de nos petits garçons de potentiels violeurs. Evidemment sans le vouloir. Aucun.e papa /  maman n'irait dire à son fils "va violer Gertrude, c'est bien mon fils". 

On apprend aux filles à "faire attention" et ce dès leur plus jeune âge. On n'apprend pas aux garçons à ne pas violer. Il y a un gros travail d'éducation à faire sur le consentement. Et ça commence dès la cour d'école par des comportements inappropriés, qui font rire les adultes. 

Personnellement, je me souviens d'un petit garçon, Jeremy (comme quoi il y a des prénoms qui marquent) qui passait son temps à soulever la jupe des filles en maternelle. Les adultes trouvaient ça drôle. 
Je revenais très souvent en pleurant de l'école maternelle parce que mon "amoureux" de l'époque me suivait sans cesse dans la cour de récré et voulait sans cesse que je lui fasse des bisous. 
Vous avez dit "mignon" ? Imaginez ça deux secondes chez des adultes, ce serait du harcèlement, ce ne serait pas mignon. Commençons par là. Commençons par réagir quand nos enfants ont des comportements sexistes (parce que s'ils en ont, c'est de notre faute à nous) (nous = société sexiste, encore une fois je ne parle pas de ta petite personne). 

Parce que, que vous le vouliez ou non, et je ne peux qu'imaginer à quel point cette pensée est dérangeante quand on est parent d'un garçon, votre petit garçon peut un jour, sans même réellement s'en rendre compte, agresser sexuellement une fille, voire la violer. Il ne s'agit pas de dire que votre fils est "malade", "dérangé", "fou", parce que vous savez quoi ? Les violeurs ne sont ni fous, ni dérangés, ni malades, ils sont Monsieur tout le monde. Parce que le viol au fin fond d'une ruelle sombre par un inconnu, je ne dis pas que ça n'existe pas, mais c'est loin, très loin d'être la majorité des cas. 


"En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui au cours d’une année sont victimes de viols et de tentatives de viol est estimé à 84 000 femmes. De la même manière que pour les chiffres des violences au sein du couple présentés ci-dessus, il s’agit d’une estimation minimale.

Dans 91% des cas, ces agressions ont été perpétrées par une personne connue de la victime. Dans 45 % des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits."


En tant que femme, vous avez plus de probabilités de vous faire violer par votre conjoint ou par votre meilleur pote que par un inconnu dans la rue. Sympa, non ? 
Parce que le viol ce n'est pas une fille qui se débat et qui hurle à la mort face à un inconnu qui tenterait de lui enlever sa culotte - ça peut être ça mais ce n'est pas la majorité des cas. 

Le viol / l'agression sexuelle c'est une fille un peu saoûle un soir que vous décidez quand même de baiser alors même qu'elle n'est pas à même de donner son accord, c'est tenter de pénétrer une fille / la tripoter pendant qu'elle dort,  c'est toucher les seins de votre copine / vos amies par "jeux" quand on a 14 ans..., quand vous insistez avec votre copine / votre épouse pour faire l'amour, qu'elle a refusé plusieurs fois et qu'elle finit par céder pour que vous lui fichiez la paix ensuite...

Et vous savez quoi ? Dans la majorité des cas, la victime ne se débat pas, par un phénomène qu'on appelle la sidération (en gros t'as tellement peur de mourir que tu dissocies la pensée de ton corps). 

J'ai pris l'exemple du viol mais je pourrais en prendre plein d'autres.

Il s'agit juste de te dire que je m'en fiche que toi tu ne te considères pas comme un violeur. Le viol est fait par des hommes et il est le résultat de la société sexiste dans laquelle on vit, le résultat de notre éducation. C'est une réalité, je ne dis pas ça pour te faire chier toi.

Extrait de la BD Les Crocodiles de Thomas Mathieu


Si tu veux vraiment qu'on parle de toi, commence par remettre ton comportement en cause.


Quand une femme te dit des choses sur le féminisme, écoute-là et arrête de dire que "tous les hommes ne sont pas comme ça". On parle de phénomènes de société, d'un système sociétal où les hommes blessent, violentent et tuent des femmes tous les jours, pas de toi personnellement.

Et tu sais ce qui serait encore mieux ? Si tu veux vraiment qu'on discute de toi et de ton copain Jean-Claude ? 
Ce serait que tu te remettes toi en cause. 

Je sais déjà ce que tu vas me dire. "Mais moi je ne suis pas comme ça, j'ai jamais violé personne, ni agressé personne, je suis pour l'égalité hommes / femmes". 

Je te crois, calme toi. Je ne connais pas un mec de mon entourage qui me dirait "non non moi je suis contre l'égalité hommes / femmes, les bonnes femmes ça doit rester à la cuisine et une bonne baffe de temps en temps ça leur fait pas de mal". Parce que je vis dans un milieu privilégié, que mes potes sont tous trentenaires, de gauche et qu'ils savent ce qu'est le féminisme. Mais, vous avez beau être pour l'égalité femmes / hommes sur le papier, vos comportements restent - pour la plupart - problématiques. 

Parce que vous êtes les premiers à faire des blagues vaseuses sur les femmes, sur le sexe, sur le sexisme, parce que vous êtes les premiers à rire des conneries sexistes que pourraient dire vos copains, parce que - pour la plupart - quand vous vous retrouvez entouré d'autres mecs, vous vous mettez dans la peau de ce personnage viril et fort et vous riez grassement à des remarques graveleuses, vous redevenez ce que la société attend de vous. 

Parce que vous dites des choses problématiques sans même vous en rendre compte.

Parce que vous coupez la parole des femmes en permanence, parce que dans une assemblée exclusivement composée de femmes et même sur des sujets qui ne vous concernent pas directement vous l'ouvrez en premier et donnez votre avis, parce que vous avez un avis sur tout et vous pensez qu'il est pertinent en permanence. 

Parce que même quand vous vous asseyez dans le métro vous prenez trop de place. Parce que vous prenez trop de place en permanence. Dans la rue. Dans l'espace public en général. Sur le lieu de travail. 

Parce que vous essayez, sans même vous en rendre compte, de nous expliquer des choses de manière paternaliste ou condescendante

Parce que quand vous devenez papa d'une petite fille vous songez déjà à la "protéger" et à vouloir péter la gueule des éventuels garçons qui s'approcheraient d'elle dans 20 ans (laisse ta fille avoir la sexualité qu'elle veut bon sang) (ta fille ne t'appartient pas) (et au passage : la valeur d'une femme ne se détermine pas en fonction du nombre de bites qu'elle a eu dans le vagin). 

Parce que vous nous matez dans la rue comme des bouts de viande. La plupart d'entre vous sont choqués par le harcèlement de rue mais ne se privent pas pour mater tout ce qui bouge (coucou c'est aussi une forme de harcèlement que de regarder les filles lourdement).

Parce que vous n'écoutez pas les femmes quand elles vous parlent de ce qu'elles subissent. Vous ne les écoutez pas vraiment. Vous cherchez sans cesse à débattre du féminisme. STOP. Il n'y a pas de débat à avoir sur le féminisme. Ecoutez nous bordel. C'est ce qu'on vit tous les jours. Le féminisme n'est pas là pour vous emmerder. Et c'est fatigant de se battre sans cesse contre vous. Vous ne débattez pas autant quand il s'agit d'autres sujets de société. C'est fatigant parce que vous êtes nos amoureux, nos potes, nos frères et qu'on voudrait que vous soyez nos alliés. On voudrait que vous compreniez un peu ce qu'on ressent, ce qu'on dit, sans remettre sans cesse en cause ce que l'on raconte. C'est fatigant d'être à vos côtés tous les jours. 

Vous allez me dire "on peut quand même débattre non ?". Débattre de quoi en fait ? Le sexisme est prouvé par des chiffres, des témoignages, des études... Que vous faut-il de plus ? 

La plupart d'entre vous, en tant que personne de gauche, vous chiez sur le racisme, sur l'homophobie (etc) et vous envoyez bouler tous ces cons de droite qui vous disent que ça n'existe pas. Vous chiez sur tous les connards de droite qui vous disent que les violences policières n'existent pas, qu'il s'agit seulement de bavures, parce que vous savez que c'est un problème intimement lié à la police, à la société... Alors pourquoi quand il s'agit de féminisme, vous vous sentez agressés et vous vous défendez en disant "non moi je ne suis pas comme ça" ? Pourquoi vous jouez au connard de droite quand il s'agit de féminisme ?

Illustration tirée du livre d'Anne Charlotte Husson et Thomas Mathieu appelé Le féminisme

Tu sais ce que tu peux faire si tu veux parvenir à plus d'égalité femmes / hommes ?


Commence par déconstruire la masculinité. La masculinité ce sont l'ensemble des caractères propres à l'homme ou considérés comme tels.

Je vais citer Virignie Despentes dans King Kong Theorie

« Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’enseignement à la féminité. Qu’est-ce ça exige au juste être un homme, un vrai ? Répression des émotions. Taire sa sensibilité. Avoir honte de sa délicatesse, de sa vulnérabilité. Quitter l’enfance brutalement et définitivement : les hommes-enfants n’ont pas bonne presse. Etre angoissé par la taille de sa bite. Savoir faire jouir les femmes sans qu’elles sachent ou veuillent indiquer la marche à suivre. Ne pas montrer sa faiblesse. Museler sa sensualité. S’habiller dans des couleurs ternes, porter toujours les mêmes chaussures pataudes, ne pas jouer avec ses cheveux, ne pas porter trop de bijoux, ni aucun maquillage. Devoir faire le premier pas, toujours. N’avoir aucune culture sexuelle pour améliorer son orgasme. Ne pas savoir demander d’aide. Devoir être courageux, même si on n’en a aucune envie. Valoriser la force quel que soit son caractère. Faire preuve d’agressivité. Avoir un accès restreint à la paternité. Réussir socialement pour se payer les meilleures femmes. Craindre son homosexualité, car un homme, un vrai, ne doit pas être pénétré. Ne pas jouer à la poupée quand on est petit, se contenter d’armes en plastiques supermoches. Ne pas trop prendre soin de son corps. Etre soumis à la brutalité des autres hommes sans se plaindre. Savoir se défendre, même si on est doux. Etre coupé de sa féminité, symétriquement aux femmes qui renoncent à leur virilité, non pas en fonction des besoins d’une situation ou d’un caractère, mais en fonction de ce que le corps collectif exige. »

Et tu sais quoi ? C'est à toi de déconstruire tout ça. 
On ne le fera pas du jour au lendemain. Et en tant que femme, je ne peux pas le faire pour toi. Mais ça passe par le fait de ne plus rire aux blagues vaseuses de tes potes, de ne plus faire semblant d'être ce mâle alpha en société.

 Accorde-toi le droit d'être faible, le droit d'être vulnérable, le droit de pleurer devant un film, devant tes copains. Tout ce que la société t'a empêché de faire depuis que tu es tout petit, juste parce que ça faisait pas assez homme. Fais le devant la terre entière. Pas juste en privé avec ta copine. Explique aux autres garçons que tu n'es pas d'accord avec eux, que leur comportement n'est pas normal, que les femmes doivent être respectées, écoutées. 

Réfléchis à ton comportement, à ce qui est problématique. Retrace les trente dernières années de ta vie et repense à tous les comportements que tu as pu avoir envers les femmes. Es-tu sur que tu as toujours été irréprochable ? Es-tu sur que tu as toujours respecté leur consentement ? Es-tu sur que, consciemment ou non, tu as toujours été respectueux ? 

Si tu réagis aussi violemment dès qu'on évoque des problèmes féministes, dès qu'on évoque #MeToo, dès qu'on évoque les hommes en général et leur comportement problématique, n'est ce pas fondamentalement, inconsciemment, une peur de perdre sa virilité (telle qu'on l'entend dans notre société depuis des centaines d'années) ?

Il ne s'agit pas de te flageller. Il ne s'agit pas de t'envoyer au bûcher. On a tous eu des comportements sexistes. Regarde, moi j'ai longtemps traité certaines nanas de salopes parce qu'elles faisaient ci ou ça, j'ai dit des choses comme "cette tenue c'est un véritable appel au viol". J'ai pris conscience que c'était nul et je m'en veux d'avoir pensé comme ça. Mais je ne suis que le produit d'une société sexiste.
Le tout c'est de prendre conscience de ça et de changer.

Déconstruis la virilité, déconstruis la masculinité.

"Au moment de commencer à écrire ce texte, effaré par les témoignages de femmes s'amassant sur #MeToo, un doute a surgi. Parce que je suis un homme européen, citadin, occidental, nanti, blanc, hétérosexuel bref a priori non discriminé ma parole n'était peut-être pas légitime. Du moins si je ne voulais pas me contenter d'une réflexion distante, mais engager pleinement ma personne. Mon doute s'est ensuite dissipé : il ne s'agissait pas de parler des femmes, de leur singularité, de leur intimité. J'en aurais été incapable. Mais d'évoquer le monde qui nous est commun, dans lequel persiste une inégalité stupéfiant, encore aujourd'hui, un déséquilibre subtilement alimenté par nos perceptions et nos comportements quotidiens. Il me suffisait donc d'être humain pour être légitime. Croire le contraire, croire qu'un voile opaque puisse séparer à jamais le féminin du masculin, croire en une différence mystérieuse et infranchissable, aurait trahi le sens même de ce que je m'apprêtais à dire.

A mesure que je me plongeais dans les témoignages de femmes harcelées voire violées qui se sont accumulés depuis octobre 2017, j'éprouvais une sensation de dégoût. Le dégoût s'est progressivement transformé en malaise. Ces hommes sont dégueulasses, certes. Souvent pitoyables. Beaucoup sont des salauds sans vergogne. Mais, ce sont surtout des hommes tout comme moi. Et c'est aussi en tant que tels que ce sont des salauds. Même si je n'ai pas voulu me l'avouer immédiatement, une partie de mon identité virile m'était renvoyée en plein visage. Il serait hypocrite de le nier. Quand bien même l'on n'aurait pas à se reprocher d'actes de harcèlement caractérisés. Je voyais s'ébaucher vaguement à l'arrière plan de ces peintures de situation accablantes, la façon dont j'avais été, moi aussi, conditionné à voir et à désirer les femmes. Je n'ai pas la prétention de lancer une nouvelle théorie du genre et encore moins de donner des leçons de féminisme. Au fond, à bien y réfléchir, c'est en priorité aux hommes que je m'adresse. Et c'est d'ailleurs aussi essentiellement sur eux que je vais écrire. Je m'adresse à eux en tant qu'homme, à partir de mon propre trouble. Parce que j'ai la conviction que, au-delà du battage médiatique, les femmes sont aujourd'hui plus claires avec elles-mêmes que "nous". Au moins sur ce qu'elles veulent et ce qu'elles ne veulent plus. En revanche, derrière une contenance de façade de plus en plus fragiles, mes frères les hommes ont du mal à accepter l'écroulement de leur empire viril, dont le succès planétaire de #MeToo est un indéniable signe annonciateur. Ils ont du mal, j'ai du mal, nous avons du mal à redéfinir nos ambitions d'hommes, nos fantasmes d'hommes, nos comportements d'hommes, nos désirs d'hommes. Bref notre place dans le monde."
Raphaël Liogier, sociologue, philosophe, auteur de "Descente au cœur du mâle"

Et tiens si tu veux réfléchir pour déconstruire tout ça, je te conseille les podcast de Victoire Tuaillon "Les Couilles sur la Table" qui sont passionnants, et plus précisément celui là sur Vikken homme trans qui en dit long sur la virilité. 


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